Mariage morganatique

union entre un souverain ou un prince et une personne de rang inférieur

Un mariage morganatique Écouter est l'union entre un souverain ou une souveraine, ou un prince ou une princesse d'une maison régnante, et une personne de rang inférieur[1].

L'époux est alors qualifié d'« époux morganatique » et se voit attribuer un titre de noblesse à défaut de celui de « prince/reine (consort) » qui lui est refusé. De plus, les enfants d'un mariage morganatique ne sont pas dynastes et donc exclus de la succession au trône. Ce type de mariage est parfois dénommé « mariage de la main gauche » car, le jour des noces, le/la mariée donne à son/sa fiancée la main gauche au lieu de la droite en le/la conduisant à l’autel.

Origine

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Le terme vient du vieil allemand morgangeba (allemand moderne : Morgengabe) signifiant « don du matin » car l'épouse ne recevait rien d'autre que le don du matin[2] : c'était un cadeau traditionnellement offert à l'épouse le matin après la consommation, représentant la seule part qu'elle et ses enfants pourront réclamer dans la succession du mari. Le terme de « morganatique » n'est, en fait, utilisé que dans les cours allemandes[3].

Un mariage morganatique est un mariage entre personnes d'origines sociales différentes et de patrimoines inégaux, qu'il était souhaitable d'éviter. Pour respecter la règle d'égalité de naissance, les promis devaient idéalement appartenir à une famille régnante ou ayant régné. Un mariage morganatique était contracté lorsque ces conditions d'égalité n'étaient pas remplies.

Dynasties allemandes

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Ces conditions d'égalité étaient faciles à remplir en Allemagne vu le nombre important de principautés qu'on y trouvait et la forte probabilité de pouvoir contracter une union dynastique.

François-Ferdinand d'Autriche, l'archiduc assassiné en 1914 (assassinat qui déclencha la Première Guerre mondiale), fut l'un des plus célèbres exemples de prince ayant contacté un mariage morganatique, en épousant la comtesse Sophie Chotek, créée duchesse de Hohenberg.

Les descendants de ces unions morganatiques portent un nom distinct de leur maison souveraine d'origine. Par exemple les ducs de Hohenberg sont issus de la maison impériale de Habsbourg-Lorraine, les princes de Battenberg des grands-ducs de Hesse et les ducs de Teck et les ducs d'Urach des rois de Wurtemberg.

Les membres de ces nouvelles maisons finissaient parfois par contracter des unions avec des altesses maintenues, elles, dans leur "dynasticité" et normalisant le statut de ces "princes morganatiques", les ramenant dans une sorte d'état dynastique d'« égalité », état justifié ou finalisé lorsqu'un de leur membre occupait ou était appelé à occuper un trône (les exemples de Louis de Battenberg ayant épousé Victoria de Hesse-Darmstadt [en 1884], Henri de Battenberg ayant épousé Béatrice du Royaume-Uni [en 1885] et leur frère Alexandre Ier, élu au trône de Bulgarie [en 1879] et leur nièce Victoire-Eugénie de Battenberg ayant épousé le roi Alphonse XIII d'Espagne [en 1906], ou les exemples de Guillaume d'Urach marié à Florestine de Monaco ou Mary de Teck mariée au roi George V du Royaume-Uni). C'est ainsi que les Battenberg, rebaptisés Mountbatten, prospérèrent en Grande-Bretagne allant jusqu'à donner son nom à la dynastie royale britannique des Windsor en 1960, après le mariage de la reine Élisabeth II et de Philip Mountbatten, par une déclaration solennelle du Conseil privé, créant la nouvelle maison royale des Mountbatten-Windsor.

Accessoirement, la dynastie impériale de Russie connaissait la notion, mais sans en utiliser le terme. De nombreux grands-ducs russes se sont trouvés dans ce cas de figure au XIXe siècle.

En France

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La notion de mariage morganatique n'a jamais existé en droit successoral français.

Toutefois on citera le cas de Louis XIV avec Madame de Maintenon en 1683, dont le modèle est davantage un mariage secret (donc, selon l'impératif d'annonce publique ou officielle et solennelle, non conforme d'un point de vue dynastique)[4],[5].

Ailleurs

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Plus généralement, on peut remarquer que le morganatisme est un concept essentiellement germanique, qui n'existait pas dans les royaumes latins (France, Navarre, Espagne, Portugal, péninsule italienne, etc.) ni en Angleterre ou en Écosse (en dépit du Royal Marriages Act). D'où, par exemple, la controverse autour de la renonciation du prince Pierre d'Orléans-Bragance (père d'Isabelle, Pierre-Gaston, Françoise, Jean et Thérèse d'Orléans-Bragance) à ses droits au trône impérial brésilien.

Le roi de Roumanie Ferdinand Ier obligea son fils Carol (Carol II) à divorcer et, devant son refus, fit annuler civilement son mariage. Cette annulation controversée est à l'origine de la querelle dynastique roumaine, entre la branche aînée représentée par le prince Paul, et la branche cadette représentée par son oncle l'ex-roi Michel.

La règle d'égalité de naissance ne se confond pas avec l'obligation d'obtenir une autorisation au mariage (donnée par le Parlement ou le chef de famille) :

  1. la nécessité d'une autorisation peut s'ajouter à la règle d'égalité dans certaines cours ;
  2. aucune autorisation ou dispense ne peut suppléer à une absence d'égalité.

La règle d'égalité de naissance ne se confond pas non plus avec une abdication ou une renonciation, même s'il y eut de nombreux renoncements pour « raison de cœur » comme celle du roi Édouard VIII du Royaume-Uni.

  1. « morganatique », sur Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL)
  2. (en) « morganatic (adj.) », sur etymonline.com
  3. Il fut, cependant, utilisé en Belgique pour le remariage du roi Léopold III avec Mlle Lilian Baels, qui reçut le titre de princesse de Rethy, ainsi qu'en Russie pour le dernier mariage d'Alexandre II.
  4. « Louis XIV épouse Mme de Maintenon ».
  5. François Billaut, "Le mariage secret de Louis XIV et Madame de Maintenon", Point de vue, 09/10/2020.

Voir aussi

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